Moulây Abd al-Salâm Ibn Mashîsh – La voie de l’Ermite

Né en 1140, Beni Arrous au Maroc
Mort en 1228, Djebel Alam au Maroc

Plonge-moi dans les océans de l'Un, tire-moi des bourbiers du chemin vers l'Unité, noie-moi dans la source pure de l'océan de l'Unicité.

– Moulây Abd al-Salâm Ibn Mashîsh

 

Bibliographie

› ZOUANAT Zakia, Ibn Mashîsh, Maître d’al-Shâdhili, Najah El Jadida, 1998

Moulây Abd el-Salâm ibn Mashîsh est une des grandes figures fondatrices du soufisme. Contemporain de Ibn Arabî (m. 1240) et de Saint François d’Assise (m. 1226), il a vécu dans un ermitage sur le sommet du Jabal la’ Lâm, une montagne à environ 80 km au sud de Tanger. Son héritage spirituel est lié au célèbre cheikh Abû Madyan (m. 1198), le saint de Tlemcen. On rapporte que Moulây Abd el-Salâm était le Pôle caché (qutb) de son époque. Toujours est-il que Moulây Abd el-Salâm, descendant du Prophète, a consacré sa vie à la prière et que son sanctuaire est un haut lieu de pèlerinage au Maroc.

 

Il a eu un seul et unique élève, Alî al-Ghumârî, connu plus tard sous le nom de Abû-l-Hasan al-Shadhilî (m. 1258), fondateur de la voie soufie Shâdhiliyya. Alors qu’il était jeune, la quête d’un maître avait emmené Abû-l-Hasan à faire le voyage à pied jusqu’en Orient. Arrivé à Bagdad il lui fut signifié que son maître se trouvait sur une montagne, dans son propre pays.

 

Le sanctuaire d’Ibn Mashîsh est d’une simplicité désarmante. Il se présente sous la forme d’un tombeau en plein air, dépouillé ; en fait c’est un lieu saint autour d’un chêne presque millénaire, un arbre béni. Les murs sont recouverts de chaux et le parterre est en écorce de liège. Dans un petit espace, des bougies sont allumées en permanence et des hommes récitent des versets du Coran. Souvent, ce sont des familles des shurafâ, les descendants du saint qui accueillent les visiteurs.

 

A quelques minutes du sanctuaire se trouve la mosquée des anges Masjid al-Malâ’ika, un espace à ciel ouvert au sommet de la montagne. Les gens sur place racontent qu’il a été impossible d’y fixer un toit, à chaque fois il a été immédiatement emporté par le vent.

 

Le seul texte qui, par chance, nous est parvenu jusqu’à aujourd’hui est une prière d’une immense profondeur, la Salat al-Mashishiyya,  récitée chaque jour au sanctuaire et régulièrement dans les confréries soufies dans le monde.

 

La fête annuelle de commémoration (Moussem) est célébrée chaque année en juillet par des milliers de pèlerins.

 

Il existe peu d’informations détaillées sur la vie de Moulây Abd al-Salâm. Nous sommes très reconnaissants à Mme Zakia Zouanat (m. 2012), anthropologue qui, durant plusieurs années, a recueilli de nombreux témoignages sur le terrain et a effectué une étude très approfondie sur Ibn Mashîsh.

— Catherine Touaibi

 
Récit de voyage

Ma première visite à Moulay Abd el-Salâm remonte à 2007. Arrivée à 01h15 à Tanger, je me retrouve déjà le lendemain à 15h15 au sanctuaire. A mon arrivée au Maroc, j’avais un unique numéro de téléphone et tout s’est mis en place, comme par miracle. Un couple de Marocains, Si Ahmed et son épouse Lalla Mimouna ainsi qu’une Française Isabelle m’ont accompagné pour ce pèlerinage dans une Mercedes noire.

 

Pour y arriver, nous traversons plusieurs types de météos dans un espace temps très court : vent, soleil, averse, brouillard, même la grêle, puis soleil à nouveau. La nature nous enseigne la notion d’impermanence. Les arbres silencieux de la forêt de chênes-lièges élancés dans le ciel me semblaient en prière permanente. Cet endroit est magique. C’est un point de lumière, un lieu de rencontre entre Ciel et Terre, un espace qui favorise l’espace intérieur. Je ressens que j’ai davantage de place en moi. C’est bientôt le moment de partir, j’appuie mon front contre le mur du sanctuaire et mes yeux se ferment. C’est alors qu’une pluie d’étoiles se manifeste telle une vision, suivie de plusieurs lettres arabes en or qui viennent se graver au milieu de mon front. Profondément émue, je redescends le chemin jusqu’au parking en silence.

 

Le fait que Ibn Mashîsh n’ait eu qu’un seul élève, Abu-l-Hasan et que celui-ci devienne le fondateur d’une importante confrérie, la Shâdhiliyya m’a beaucoup interpellée. C’est une preuve que la quantité importe peu. Seule la qualité compte. Quel enseignement !

– Catherine Touaibi